Le seigneur des anneaux, un conte de fée chrétien ?

 
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Mèrgrande

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Répondre en citant MessagePosté le: 01 Sep 2006 19:50    Sujet du message: Le seigneur des anneaux, un conte de fée chrétien ?

voici un article curieux que je vous propose de lire et comme de coutume je préferre réserver mon avis une fois que tout le monde aura lu et donné le sien ! Clin d'oeil

Citation:


Même les contes mènent au Christ

Démythologiser le christianisme, voilà le projet d'un certain courant théologique et exégétique, considérant que la place accordée aux histoires à dormir debout héritées d'un passé obscurantiste y est encore excessive et devrait enfin laisser place à une rationalité froide et de préférence grisâtre. Pas d'apparitions, pas de miracles, pas d'anges chantant dans le ciel. Tout cela doit être relégué aux étagères des contes de fée, rayon littérature pour enfants. Et encore, maintenant qu'on y pense, il serait sans doute plus sain pour nos bambins de lire des recueils de statistiques économiques que les contes de Grimm, sans quoi ils risqueraient se mettre en tête qu'il peut exister quelque chose de beau en-dehors de la vraie vie, voire développer cette abominable excroissance mentale qu'est l'imagination, celle qui tente de s'échapper du monde et rend les gens si peu rentables. Quel archaïsme. Nous ne sommes plus au Moyen-Âge, que diable.

À l'opposé de cette mode heureusement déclinante, on trouve des individus qui affirment que l'imagination est un don de Dieu, et que plus ses produits sont indépendants de la réalité que nous connaissons, plus elle est allée loin dans son accomplissement tel que Dieu l'a voulu. Ils prétendent même qu'elle a un lien profond avec le Salut, qui, après tout, est lui-même une histoire. L'homme qui a théorisé le plus rigoureusement cette vision des choses et défendu l'imagination, et même la fantaisie, comme vocation naturelle de l'homme, était un universitaire catholique anglais du nom de John Ronald Reuel Tolkien, auteur, accessoirement, de l'ouvrage le plus vendu au monde, la Bible exceptée. Mais je me préoccuperai moins du Seigneur des anneaux que d'une conférence donnée en 1939 intitulée Sur les Contes, où il développe, entre autres, le rôle de la fantaisie1, sous l'influence manifeste des écrits de George MacDonald, et dans une moindre mesure de G.K. Chesterton, sur les contes de fées.


J.R.R. Tolkien



La réalité primaire, telle qu'elle est observée par l'homme, est divisée par lui en objets et attributs, en noms et adjectifs, en états initiaux et finaux ; à partir de ce moment, le don du langage lui permet, par simple jeu de permutations, de modifier des relations d'objet à attribut ou de cause à conséquence qui ne sont alors plus perçues comme inévitables, et lui permet d'imaginer des choses qui ne se trouvent pas dans les faits accessibles. Comme dit Chesterton, « le rationaliste froid du pays des fées ne voit pas pourquoi, dans l'abstrait, des tulipes rouges ne pourraient pas pousser sur les pommiers ». Ce don de l'imagination, intimement lié à celui de la parole, a donc pour conséquence l'apparition d'objets et d'événements imaginaires, concevables par l'esprit mais qui, du fait des lois particulières de ce monde, n'y sont pas observables.

« Le monde naturel a ses lois, [qui] peuvent suggérer d'autres genres de lois, et tout homme peut, s'il lui plaît, inventer un petit monde à lui, avec ses propres lois, car il y a en lui quelque chose qui prend plaisir à inventer de nouvelles formes, ce qui, de tout ce qu'il peut faire, est peut-être le plus proche de la création. » C'est ainsi que George MacDonald, dans son essai sur L'imagination fantastique, décrit ce que Tolkien appellera plus tard la fantaisie, définie comme une activité de « sous-création », et qualifiera de « forme [d'art] la plus pure et ainsi, une fois réalisée, la plus efficace ». Ainsi le conteur d'histoires fantastiques, de contes de fées, « fabrique un monde secondaire dans lequel l'esprit peut entrer. À l'intérieur, ce qu'il raconte est ``vrai'': cela s'accorde avec les lois de ce monde. » Le conte fantastique ne nécessite donc pas d'y faire croire comme connecté à la réalité tangible, mais d'engendrer une créance secondaire permettant à l'auditeur ou au lecteur de faire évoluer son esprit dans cette sous-création, qui doit donc être rigoureusement cohérente dans ses lois, si étrangères soient-elles à celles du monde primaire. Le sous-créateur doit obéir à ses propres lois comme le Créateur Lui-même a obéi aux Siennes, scrupuleusement et jusqu'au bout, jusqu'à la Croix.


Carte de la Terre du Milieu, dans The Lord of the rings



On peut se demander si cette activité de l'esprit est bien saine et licite, si elle n'abuse pas du pouvoir du langage pour prendre des libertés excessives avec la vérité, ou si elle n'est pas une façon de fuir la réalité, voire une usurpation des attributs du Créateur. Tolkien prend vigoureusement la défense de la fantaisie, activité humaine naturelle et droit humain légitime. « Nous créons à notre mesure et à notre manière dérivée, parce que nous sommes créés, mais créés à l'image et à la ressemblance d'un Créateur. » Le pouvoir de sous-création fait partie des attributs confiés par Dieu à sa créature. De même qu'il donnait des noms aux animaux, de même il pouvait nommer le fruit de sa propre imagination. Cette légitimité est d'autant plus évidente lorsque l'on croit que le Verbe créateur de Dieu, par qui tout a été fait, a demeuré parmi nous. La fantaisie n'est pas une confusion entre l'imaginaire et le réel : c'est « une reconnaissance du fait, mais non un esclavage à son égard ». Elle n'est pas contraire à la raison, ni ne trahit la vérité : « Au contraire. Plus la raison est aiguë et claire, meilleure sera la fantaisie qu'elle créera. Si les hommes se trouvaient dans un état où ils ne pourraient pas percevoir la vérité..., la fantaisie languirait jusqu'à leur guérison. Si jamais ils tombent dans cet état (ce qui n'aurait rien d'impossible), la fantaisie périrait et deviendrait illusion malsaine. »

Il est intéressant de constater ici que L'Histoire sans fin, le complexe roman de Michael Ende2, fait écho, consciemment ou non, aux théories de Tolkien sur la sous-création. Phantásien, le Pays fantastique, est en train de disparaître dans le néant à cause de l'incurie des hommes dont le monde est devenu désenchanté et la vie « grise et indifférente, dépourvue de mystère et de merveille », et les créatures fantastiques qui périssent deviennent des mensonges dans le monde des hommes, les rendant aveugles à la vérité. La catastrophe n'est évitée que par l'intervention de Bastian, un enfant des hommes, qui par son pouvoir sous-créateur, et en particulier en nommant, fait pour ainsi dire toutes choses nouvelles. « Tu, was du willst. » Toute liberté lui est donnée d'inventer, mais la cohérence est de mise ; le sous-créateur, créature déchue, court le risque de transposer dans son monde secondaire des caprices qui n'ont rien d'une volonté véritable. En l'occurence, Bastian, se méprenant dès le début sur le « fais ce que tu veux », commet des abus catastrophiques par vanité et volonté de domination. La fantaisie est légitime mais il ne s'ensuit pas qu'elle n'est pas dangereuse. Comme toute activité humaine, elle est susceptible d'être corrompue.



On attend Tolkien au tournant sur l'accusation de « fuite de la réalité », plus difficile à parer ; de façon surprenante, il ne cherche nullement à la nier mais conteste qu'une telle fuite soit condamnable. Le désir de quelque chose d'autre que la grisaille quotidienne est aussi légitime que le désir d'évasion du prisonnier, et la fantaisie est aussi naturelle que le fait que ce prisonnier ait d'autres sources d'inspiration que la geôle et ses geôliers. Dans un univers technologique matérialiste et désenchanté, Tolkien réclame le droit de ne pas considérer la hideur de son environnement comme inévitable. La nostalgie du temps « où les hommes étaient en règle générale ravis du travail de leurs mains », ce que Chesterton appelait « the good time of the smaller things », n'est pourtant qu'une manifestation d'une nostalgie plus profonde, qui traverse toute la littérature occidentale, et que l'on retrouve dans le Seigneur des anneaux dans les évocations de Númenor, la terre perdue : celle du paradis et de l'innocence originelle. « Nous sommes devenus des hommes du milieu, du crépuscule, mais avec le souvenir d'autres choses. » Qui peut nous reprocher de vouloir voir plus loin que ce monde-ci, quand nous sommes en exil en ce monde, et quand notre coeur est sans repos ? La conscience de la faute originelle, très vive chez Chesterton, lui fait écrire : « Nous avons tous oublié ce que nous sommes vraiment. Tout ce que nous appelons bon sens, rationalité, sens pratique, positivisme, signifie seulement que dans la sécheresse de notre vie nous oublions que nous avons oublié. Tout ce que nous appelons spirituel, art, extase, signifie simplement que pour un terrible instant nous nous rappelons que nous oublions. »


Dessin de Tolkien



« Maintenant nous devons partir... Tu ne pensais pas, sans doute, que tu étais arrivé à la maison ? » Le corbeau qui guide le narrateur de Lilith, de MacDonald, d'un monde à l'autre invite à ne pas s'arrêter à une réalité ni à une fantaisie, confortables ou non. Les mondes fantastiques, comme le monde primaire, doivent être des indicateurs d'un appel plus lointain, celui de la Béatitude. C.S. Lewis raconte que son imagination a été « baptisée », bien avant sa conversion, par la lecture de Phantastes, du même auteur, où une certaine lumière de « sainteté » baignait le monde secondaire, et, la lecture finie, persistait même sur la réalité primaire et en faisait, à son tour, un indicateur pointant vers la Joie tant recherchée du jeune idéaliste athée. La fantaisie ne joue pas son rôle si elle rend, par comparaison, la vie quotidienne encore plus grise et sans intérêt. Au contraire, elle doit rejaillir sur le quotidien pour le réenchanter et mettre en évidence son caractère unique et merveilleux. « Si les contes disent que les pommes sont d'or, c'est pour rafraîchir ce moment oublié où nous avons découvert qu'elles étaient vertes. S'ils font couler du vin dans les rivières, c'est pour nous rappeler, pour un moment insensé, qu'il y coule de l'eau », nous dit Chesterton, avocat infatigable de la poésie du quotidien. L'ordinaire, dit Tolkien, ne nous enchante plus parce que nous prétendons le posséder, et cessons ainsi de le considérer. La fantaisie montre les objets ordinaires dans toute leur liberté, leur puissance et leur indépendance. Les hommes qui reviennent de Phantásien « voient leur propre monde et leurs congénères avec d'autres yeux : là où ils n'avaient trouvé autrefois que quotidienneté, ils découvrent tout à coup merveille et mystères. » Le même désenchantement touche en effet les personnes de notre entourage, dont le côtoiement risque toujours de nous faire oublier qu'il s'agit d'images de Dieu : perdu au Pays fantastique, Bastian, au fond de la mine de Yors Minroud, trouve l'image de son père négligé qu'il avait laissé sans regrets dans le monde primaire. Tout son voyage dans l'imaginaire n'était qu'un chemin pour rétablir avec lui une relation filiale véritable.



Le conte de fée, par définition, doit bien se finir ; pour éviter « happy ending », qui suggère que le conte se « termine » véritablement, Tolkien utilise le mot eucatastrophe pour désigner un trait courant du conte : la consolation, la joie soudaine, ce que Chesterton, dans sa pièce éponyme, appelle « la Surprise ». Ce n'est pas la marque d'un optimisme béat et artificiel, mais c'est ce qui dans le conte est le plus réel, le plus révélateur d'une vérité qui existe souverainement dans le monde primaire : la joie de la délivrance, la victoire finale sur le mal, la Bonne Nouvelle du Salut. La bonne fantaisie est évangélique, et c'est en tant que telle qu'elle est réelle, car la joie du ciel est bien plus vraie que les peines d'ici-bas, et les mondes imaginaires doivent permettre de la laisser paraître avec une puissance difficilement accessible en ce monde-ci. Si l'Évangile de la Résurrection perd pour nous sa qualité eucatastrophique, elle nous est rappelée dans les défaites de Sauron, de la Sorcière blanche, des Gobelins, des sorcières et marâtres de tout poil, ou dans cette indéfinissable joie qui parcourt Phantastes et Lilith. Les mythes païens eux-mêmes contiennent parfois un avant-goût de cette joie finale. Car l'Évangile est lui-même un conte, ou un mythe, une eucatastrophe, si totale que l'homme seul n'aurait pu la concevoir. Comme dans La Surprise, l'Auteur de notre histoire y est entré Lui-même pour la remettre en ordre. Tolkien s'émerveille : « Cette histoire est entrée dans l'Histoire et le monde primaire : le désir et l'aspiration de la sous-création ont été élevés à l'accomplissement dans la Création... Il n'est aucun conte jamais raconté que l'homme voudrait davantage savoir vrai, et aucun que nombre de sceptiques aient accepté comme vrai sur ses seuls mérites. Car l'art en a le ton suprêmement convaincant de l'Art Primaire, c'est à dire de la création. » La meilleure des histoires est la vraie, et, comme pour Lucy dans Le Voyage du Chercheur d'Aurore, une bonne histoire est une histoire qui nous rappelle celle-là.



L'Évangile est donc l'accomplissement de la fantaisie, et du même coup, dit Tolkien, loin de l'abroger, la sanctifie. L'auteur d'une des plus formidables sous-créations jamais réalisées se prend à rêver que nos balbutiements dans ce domaine se retrouveront, purifiés, transfigurés et accomplis dans leur plénitude, dans la demeure que Dieu nous prépare et à la construction de laquelle nous sommes invités à participer. Il faut citer ici la plus atypique des oeuvres de Tolkien, une nouvelle intitulée Feuille de Niggle. Niggle est un peintre qui travaille à un tableau dont l'idée s'est progressivement imposé à lui : une feuille, un arbre, des oiseaux, un paysage, une forêt, et au fond, des montagnes. Il ne peut l'achever mais, après diverses péripéties, il retrouve dans l'autre monde son paysage, réel, toujours son oeuvre mais parvenu par grâce à l'état de création primaire, d'une beauté qu'il n'avait lui-même qu'entraperçue et dont tout son art ne pouvait donner qu'une faible idée. Mais, après avoir complété son oeuvre avec l'aide de son philistin de voisin, avec qui ses rapports avaient pourtant été loin d'être cordiaux, il ne s'y attardera pas : les montagnes, aperçues au fond, sont son véritable but, et le tableau n'y avait été qu'une introduction. Achevé, l'arbre de Niggle sert alors d'étape pour le cheminement d'autres personnes vers les montagnes, la Béatitude, l'inconcevable liberté à laquelle l'homme est appelé. Tolkien ne s'enferme pas dans la Terre du Milieu, son histoire plurimillénaire, ses langues mystérieuses, ses elfes nostalgiques et ses royaumes perdus ; ils ne sont là que pour crier, tant à l'auteur qu'au lecteur, que la Joie qu'on y entrevoit s'accomplit pleinement ailleurs. C'est là la vocation de l'écrivain chrétien, comme l'écrit Xavier Morales3 : « Il s'agit d'entendre battre le coeur de Dieu dans sa Parole écrite pour nous, d'en transcrire la Vie par le pouvoir de créer qu'il nous a donné, de laisser son Amour circuler librement dans nos mots et nos livres. »

Sébastien Ray


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Répondre en citant MessagePosté le: 06 Sep 2006 17:16    Sujet du message:

Je vais tâcher d'exprimer mon point de vue méthodiquement, car beaucoup d'idées me viennent sans que le temps me soit donné de les organiser comme il se doit. Je procéderai donc, de manière artificielle et quelque peu désarticulée, paragraphe par paragraphe et en plus je viens de perdre tout ce que j'avais déjà écrit, à cause de cette saleté d'IE Mal ou Très fou .

1-Concernant le premier paragraphe : les miracles ont toujours fait partie de l'imaginaire populaire, mais depuis que la vision cartésienne s'est imposée dans nos sociétés occidentales, la magie relève de l' "irrationnel", et les miracles sont relégués au rang de sornettes. Leur redonnant des lettres de noblesse, du moins aux yeux des rationnels que nous sommes, Eric-Emmanuel Schmitt propose dans son Evangile selon Pilate une explication subtile et cohérente - je vous conseille très vivement la lecture de ce livre qui n'est en rien iconoclaste, contrairement à l'avis de quelques uns, mais dont la démarche replace la figure du Christ dans un cadre à la fois historique et humain, probable et du moins très intéressant. A vous d'apprécier.

2-Deuxième paragraphe :
Citation:
À l'opposé de cette mode heureusement déclinante, on trouve des individus qui affirment que l'imagination est un don de Dieu, et que plus ses produits sont indépendants de la réalité que nous connaissons, plus elle est allée loin dans son accomplissement tel que Dieu l'a voulu.

Cette conception des choses, notamment dans le développement qui suit, apparaît brillante, et émerveille par cette profondeur et cet éblouissement intérieur qu'elle peut réveiller chez le lecteur. Etablir l'imagination comme élan originel de l'homme, et placer l'acte de création -par l'abstraction du langage, certes, mais ramené au concret à la création même d'un objet imaginé d'abord- au centre des possibles humaines est un point de vue très intéressant, que d'autres philosophes ont déjà développé, mais certes pas en corrélation si proche avec la fantasy. Le fait que la trilogie du Seigneur des Anneaux soit le livre le plus vendu au monde après la Bible n'est pas anodin non plus, car on pourra toujours faire l'éloge de Tolkien, son style n'a rien de transcendant, et son oeuvre principale a consisté en l'exploration des confins de l'imagination.

3-Troisième paragraphe : ce paragraphe spécifie le domaine de définition, et dès lors il n'est plus question que du concrètement irréalisable - ce qui sert la démonstration, même si j'ai la conviction que l'acte de création, qu'il soit abstraction ou fabrication réelle, est en lui-même au coeur de la vie humaine -celle que Dieu a créée, s'il faut rattacher à Dieu cet exposé.

4-Quatrième paragraphe : la fantaisie est ici considérée comme la forme d'art la plus pure et la plus efficace ; bien. Cependant, il convient de préciser que certains n'y sont pas du tout sensibles, de moins en moins de nos jours devrais-je dire, si l'on considère la place accordée à la magie dans les siècles précédant la Renaissance -et l'arrivée des sciences qui ont prétendu pouvoir tout expliquer, les Lumières par la suite se faisant les défenseurs de la raison, seule et unique. Je serais plus nuancée en prétendant que la fantaisie peut être une passerelle, et des meilleures, entre ce monde et la compréhension que l'on peut en avoir, mais qu'il serait exagéré de la considérer comme seule valable à ce degré - du fait de la relativité des points de vue, et ce en dépit de l'élan vers l'imaginaire placé originellement par Dieu, selon Tolkien, au coeur de chaque homme. Il est dit aussi que Dieu a fait l'homme libre, et que celui-ci peut se fermer à toute tentative imaginaire, demeurant scrupuleusement rationaliste. La fantaisie, en somme, se pose comme une métaphore de la réalité qui par des images qui lui sont étrangères, nous renvoient à sa signification.

5-Cinquième paragraphe :
Citation:
On peut se demander si cette activité de l'esprit est bien saine et licite, si elle n'abuse pas du pouvoir du langage pour prendre des libertés excessives avec la vérité, ou si elle n'est pas une façon de fuir la réalité, voire une usurpation des attributs du Créateur.

Le problème vient du fait des interprétations que l'on peut faire d'un même texte, des nuances ou d'une manière de percevoir les choses qui différera d'une personne à l'autre ; d'une manipulation aussi dans l'exposé d'une exégèse. Aussi, comment parler après d'une "vérité", mètre étalon de n'importe quel texte ?
En outre, peut-on fuir vraiment la réalité ? La psychanalyse nous dira que non, que tout en notre inconscient manifestera ce que nous nous refusons à accepter -en l'occurrence la réalité- et la création comme l'imaginaire puisent, à mon avis, leur eau au moulin de l'inconscient, qui lui amène foule d'images nouvelles et irréelles, que le créateur va organiser pour mettre en place son monde.
Quant à parler d'usurpation des attributs du Créateur, je doute que cela soit une objection valable, dans la mesure ou toute personne qui croit en le Dieu chrétien est censée considérer ses capacités comme dons de Dieu, et ne peut douter de la liberté qui lui est donnée d'en faire bon usage, liberté qui, au même titre que l'amour, est placée au coeur de la foi (et même du fait de l'amour, puisque c'est par amour que Dieu laisse ses enfants libres de faire leurs choix). C'est ce que Tolkien exprime dans cette phrase qui me parle beaucoup : « Nous créons à notre mesure et à notre manière dérivée, parce que nous sommes créés, mais créés à l'image et à la ressemblance d'un Créateur. »
6- Sixième paragraphe : On retrouve dans l'histoire de Bastian cette idée de cohérence nécessaire, puisque l'imaginaire devient une sorte de métaphore du réel, qui se doit d'être cohérent, à défaut de la froide rationalité exercée dans notre monde. Cette idée me plait, c'est le principe des fables, des contes philosophiques...


Je me dois ici d'interrompre ma réflexion, sans même savoir quand je pourrai la reprendre. J'espère que les jours passant ne me feront pas perdre le fil de ma pensée et au contraire me permettront d'affiner mon raisonnement et mon point de vue. Ce texte est brillant, par le fond comme par la forme, mais parce qu'il est profondément philosophique et théologique, il soulève des questions fondamentales qu'il est malaisé de trancher après une lecture, même attentive. Cette démarche regroupe à la fois la question de l'art, de l'abstraction, de la création, de l'existence de Dieu... et c'est passionnant ! Merci Mèrgrande ! Très content
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� Nous cr�ons � notre mesure et � notre mani�re d�riv�e, parce que nous sommes cr��s, mais cr��s � l'image et � la ressemblance d'un Cr�ateur. � Tolkien

�Celui qui ne s�occupe pas de son estomac, s�occupera difficilement d�autre chose.� Samuel Johnson
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